Le traumatisme psychique constitue depuis toujours une problématique centrale en psychologie nous obligeant à penser les liens complexes entre environnement et sujet dans une relation non causale, mais constamment interactive. Sa capacité à transformer radicalement un individu dans son équilibre somato-psychique, ses croyances, son identité, ses relations à autrui, interroge fondamentalement la question de la vulnérabilité psychique et du sens que revêt pour chacun l’expérience traumatique.
Ainsi, le traumatisme est un événement qui vient violemment, brutalement, bouleverser l'être humain dans sa capacité à comprendre ce qu'il est en train de vivre. Il est confronté à quelque chose qui n'a aucun sens, qu'il ne parvient pas à traduire car il n'y a jamais été préparé.
Traumatisme et psycho-traumatisme
Dans sa définition la plus globale, le traumatisme est une blessure. On en comprend facilement la dimension physique : ce sont les coups, coupures, cassures… Aujourd’hui encore une part de la population ne comprend pas la version psychique du traumatisme et ses conséquences, le fait d’être blessé mentalement, en dépit des sciences qui étudient cela (psychologie, psychiatrie, neurologie, etc.)
Les sciences psychologiques définissent le traumatisme psychique comme un dommage (ou plusieurs) consécutif au vécu d’un événement. Cet événement peut être de nature variée, cela peut être une agression ou un accident avec des implications physiques, tout comme une agression psychologique (deuil, insulte, négation de l’identité…), mais aussi une combinaison des deux (séisme, viol, guerre…). Une brutalité vient marquer le mental du sujet, et on en voit désormais sans équivoque les effets concrets sur le cerveau.
Quel est l’impact du traumatisme sur notre cerveau ?
Une altération de l’activité cérébrale: l’empreinte de l’événement douloureux s’inscrit dans la mémoire et ne cesse d’être ravivée par des sons, images, odeurs ou sensations qui n’ont parfois aucun lien logique avec le choc subi. Après un traumatisme, l’activité cérébrale peut donc se voir modifiée. Les structures du cerveau servant à encoder les souvenirs subiraient une inversion qui viendrait alors altérer le rapport des victimes à la peur.
Qu’est-ce qu’un psycho-traumatisme ?
« Toutes les conséquences psychologiques de la confrontation brutale d’un individu à une agression ou à une menace pour sa vie ou celle d’autres personnes présentes lors de l’agression ».
Louis Crocq le définit le comme étant :
« Un phénomène d’effraction du psychisme et de débordement de ses défenses par les excitations violentes afférentes à la survenue d’un événement agressant ou menaçant pour la vie ou pour l’intégrité (physique ou psychique) d’un individu qui y est exposé comme victime, comme témoin ou comme acteur ».
On parle de psycho-traumatisme quand il y a eu confrontation à la mort, qu’elle ait été réelle ou imaginaire. Il est souvent associé à situations extrêmes, or on peut parler de traumatisme aussi quand le sujet s’est retrouvé dans des situations de tensions prolongées et de peurs intenses.
Le psycho-traumatisme est donc une réaction normale à un stress intense (le stress est une réaction physiologique, biologique, psychologique réactionnelle à la peur).
La réaction de stress immédiat qui se produit suite à un événement de grande violence que l’on a subi est adaptée aux circonstances et dans la très grande majorité des cas, et elle est en principe de courte durée : on parle alors « d’état de stress aigu ».
L’état de stress aigu
Il est décrit comme la manifestation dans les premières heures de différents comportements : le sujet peut montrer une agitation anxieuse très expressive comme des pleurs, ou au contraire avoir un comportement hyper contrôlé, apparemment calme et le risque alors est d’en sous-estimer la gravité. L’intensité des symptômes présentés n’est pas toujours en relation directe avec l’intensité de la violence de l’événement traumatique. Cette phase de désarroi est transitoire. Les sentiments de peur, de culpabilité, de honte sont quasi constants même s’ils sont plus ou moins manifestes.
On distingue 3 modalités de réactions au stress qui suivent le traumatisme :
1/ Le stress adapté
Lorsque le stress est adapté, la victime mobilise ses ressources au plan psychologique, physiologique et biologique face au danger. Elle réagit pour éviter l’événement dramatique, car elle s’est mise en alerte.
2/ Le stress dépassé
Le stress peut être inadapté, car la victime ne peut pas s’adapter. C’est un stress idéatif, on observe un vide de la pensée et au niveau relationnel il y a une perte de contact avec les autres. Le contact avec la victime peut être ressenti comme étrange.
Cette phase de stress dépassé correspond à une sidération, c’est-à-dire que la victime est figée physiquement et psychiquement, elle ne dit rien, ne pense rien, donc elle ne peut pas réagir… Dans cette phase de stress dépassé on peut observer diverses réactions.
- L’agitation :
C’est un va et vient dans tous les sens, par exemple un des passagers d’un véhicule lors d’un accident de la route, va d’une voiture à l’autre, cela n’a pas de sens, ce n’est pas construit.
- La fuite panique :
La victime peut se mettre au milieu de l’autoroute pour arrêter les voitures, elle est en stress dépassé, elle ne peut pas se protéger et se met en danger.
- La conduite suicidaire :
On peut observer une conduite suicidaire, encore appelée en clinique un raptus. Une victime peut se jeter par la fenêtre d’un étage très élevé alors qu’il y a le feu dans immeuble, elle n’est plus en capacité de penser.
- Actes automatiques :
La victime sujet n’est plus en capacité de penser, par exemple, lors d’inondations catastrophiques une femme balaye tranquillement son balcon alors que le chaos est total autour d’elle. Il s’agit d’actes automatiques, cette femme n’est plus en capacité de penser. Ces réactions particulières sont des réactions qui sont colorées par des troubles antérieurs.
Chacun réagit en fonction de ses antécédents et de ses troubles de personnalité.
Un stress dépassé est souvent associé à un débordement des défenses psychiques du sujet.
Les troubles immédiats et post-immédiats (Etat de Stress Aigu) sont donc une réaction normale et adaptative face à un événement violent et grave s’ils ne durent pas plus d’un mois.
3/ Etat de Stress Post-Traumatique
Lorsque le stress aigu se prolonge (plus d’un mois), les troubles vont alors s’installer dans la durée et de manière plus ou moins grave. On parle alors d’Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT). Pour certains, ils peuvent même devenir très sévères (à partir de 6 mois environ), on parle d’Etat de Stress Post-Traumatique chronique.
Qu’est-ce qu’un Etat de stress post traumatique (ESPT) ?
L’état de Stress Post-Traumatique » est une pathologie à part entière. Il arrive que l’Etat de Stress Post-Traumatique se déclenche de façon différée chez un sujet qui n’avait pas présenté de signes de stress aigu.
Il se définit par trois grands groupes de symptômes :
1/ Les reviviscences
Il s’agit de souvenirs intrusifs de l’événement traumatique, suscités par tout ce qui peut y être associé : un bruit, une odeur, une image… Ces souvenirs sont sources de longues ruminations, mais également de « flashbacks », de cauchemars et de réactions de peur. C’est « comme si » l’événement traumatique allait se répéter.
2/ Les stratégies d’évitement
Le sujet va alors éviter toutes les situations qui réactivent l’angoisse. Il peut s’agir aussi bien d’un lieu que de circonstances qui pourraient sembler trop similaires ou même des pensées. Le patient va chercher à « éviter » ses propres pensées en se repliant sur lui-même, dans un monde imaginaire, voire dans l’amnésie de l’événement traumatique.
3/ L’hyper-vigilance
Le sujet présente des signes d’hyper-vigilance ou d’état d’alerte quasi-permanent. Il va présenter des réactions de sursaut ou une grande irritabilité, ou encore une hypersensibilité, ou bien des troubles de l’attention et de la concentration, ou enfin un sentiment de profonde fatigue physique et psychique.
A plus long terme, l’Etat de Stress Post-Traumatique peut entraîner de véritables modifications de la personnalité avec une attitude méfiante et hostile, un retrait social, des sentiments de vide et de perte d’espoir, de menace et de l’insécurité permanente, ainsi que du détachement affectif.
Les dépressions associées sont très fréquentes, mais également les troubles anxieux (attaques de panique, agoraphobie, trouble anxieux généralisé), les conduites suicidaires (particulièrement chez les victimes de violence sexuelle dans l’enfance), les troubles du comportement alimentaire, les troubles du sommeil et les troubles sexuels. Les addictions (alcool, drogues) vont parfois se greffer au tableau clinique.
La grande difficulté, dans les moments qui vont faire suite à l’événement traumatique, tient surtout au caractère assez peu prévisible d’une évolution de l’état de stress aigu à celui d’Etat de Stress Post-Traumatique.
Lorsque les personnes ne sont pas prises en charge, les psycho-traumatismes peuvent avoir des conséquences lourdes sur la vie affective, sexuelle, professionnelle et sociale.
Quels sont les facteurs de risque du passage d’un événement traumatique à un syndrome post traumatique ?
Dans l’environnement de la victime, on identifie des facteurs de vulnérabilité : l’existence préalable de troubles anxieux, de troubles de la personnalité, des troubles d’attachement, des défenses psychologiques vulnérables, un faible niveau socio-économique, peu de soutien dans son environnement personnel, familial ou professionnel, un environnement très conflictuel, des stratégies d’adaptation peu fonctionnelles, mais aussi d’autres facteurs tels que des comorbidités peuvent aussi être facteurs de risque.
Lorsque l’Etat de Stress Post-Traumatique est diagnostiqué, le traitement repose d’abord sur les psychothérapies spécifiques. La plus efficace et reconnue à ce jour est la thérapie EMDR très utilisée dans cette indication. Cette technique apparue dans les années 90 permet d’aider au retraitement des informations dans le cerveau avec des résultats notables.
La thérapie EMDR
La thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), ou désensibilisation et retraitement par les mouvements des yeux, repose sur l’idée que les pensées, les sentiments et les comportements négatifs de la personne découlent de souvenirs de l’évènement traumatisant que le cerveau n’a pas pu assimiler correctement.
Le thérapeute invite le patient à se concentrer sur les images, les pensées, les émotions et les sensations corporelles qui lui viennent en lien avec le traumatisme. Pendant ce temps, il demande au patient de suivre du regard ses mouvements de doigts qu’il déplace de droite à gauche devant ses yeux, de façon répétitive. Le thérapeute peut aussi faire entendre un son à la personne dans un casque, en alternant oreille droite et oreille gauche, ou encore tapoter le genou droit puis le genou gauche du sujet.
L’objectif est que les souvenirs perturbants soient retraités par le cerveau durant la séance, de manière à perdre leur vivacité et pouvoir être mis à distance.
Pour mieux comprendre les processus de cette méthode thérapeutique, je vous invite à lire cet article "C'est quoi l'EMDR?".