De façon générale, la dissociation peut être comprise comme un phénomène « auto-hypnotique », c’est-à-dire un état de conscience modifié sans induction externe qui permet au sujet de se protéger dans les situations de tension auxquelles il ne peut plus faire face. Un tel processus diffère du fonctionnement normal sur le plan de la contrôlabilité tout en interférant avec lui.
Cette dissociation recouvre la possibilité de se protéger d’une situation perçue comme menaçante en se « coupant » de ses sensations douloureuses. Ainsi, dans la vie quotidienne, les individus traversent différents états de conscience pour s’adapter à des rôles et des situations variés qui traduisent leurs ressources et leurs limites. Il s’agit d’un processus dynamique de dissociation/association permettant de compartimenter des expériences distinctes de la vie, et en particulier d’écarter stress et angoisse de façon plus ou moins durable. Cette aptitude innée, naturelle, impliquant des comportements réflexes et automatiques reflète la capacité à s’intérioriser par le recours à l’imaginaire, l’esprit s’affranchissant des contraintes du réel.
Lorsqu’un événement traumatique survient, certains sujets vont présenter des symptômes dissociatifs. On parle dans ce cas de dissociation traumatique.
La dissociation traumatique
On observe la survenue d’une perturbation touchant des fonctions normalement intégrées, comme la conscience, la mémoire, l’identité ou la perception de l’environnement.
Donc, en plus des critères de l’Etat de Stress Post Traumatique, la personne présente, en réponse à un stimulus lié au traumatisme, les symptômes persistants ou récurrents de l’un ou l’autre des états suivants :
La dépersonnalisation est une expérience persistante ou récurrente de se sentir détachée de soi-même (sentiment de vivre dans un rêve, que son corps n’est pas réel ou que tout se passe au ralenti ou en flottements).
La déréalisation est un sentiment persistant ou récurrent que l’environnement n’est pas réel (le monde environnant ne semble pas réel, l’impression d’être dans un rêve).
En psychologie, la dissociation est définie comme une « séparation fonctionnelle entre des éléments psychique ou mentaux qui sont habituellement réunis ». Ainsi, la prise en compte de la réalité et du vécu est inhibée (pensée, jugement, sentiment), de façon temporaire ou durable, pour supporter un traumatisme psychique.
Dissociation péri-traumatique
Cette forme de dissociation représente le processus de traitement d’information particulier pendant un traumatisme psychique. L’expérience est tellement bouleversante pour l’humain que la conscience ne peut pas intégrer celle-ci normalement. L’expérience ou une partie de celle-ci est dissociée. Cette fragmentation de la conscience est liée à une altération de la conscience normale et elle est un symptôme typique du trouble de stress post-traumatique (TSPT). La dissociation devient alors une stratégie de survie du corps/cerveau lorsque certaines pensées ou certains souvenirs rappellent l’événement traumatique causant trop de douleur émotionnelle/mentale.
La dissociation primaire (ou péri-traumatique) est une réponse adaptative à un événement stressant : le sujet garde un contrôle mental partiel alors que le contrôle physique est altéré. Si la dissociation se prolonge dans la vie quotidienne, elle permet à l’individu de se déconnecter de ses affects et d’éviter l’émergence de souvenirs traumatiques.
Au moment de l’impact traumatique, un trouble dissociatif permet à la victime de se soustraire à la frayeur qui résulte de la confrontation avec la mort.
Le mécanisme neurophysiologique :
L’événement brutal, inattendu, violent, incompréhensible et menaçant pour son intégrité physique et psychique sidère le cerveau. La dissociation va permettre un court-circuitage du cerveau suite à une production anormalement trop élevée de cortisol et d’adrénaline dans le corps.
Ce court-circuitage va s’actualiser sur différents modes fonctionnels :
1/ Dissociation sensori-motrice
Dans le cas d’un traumatisme, les fonctions sensori-motrices peuvent être altérées : sensations de douleur, paralysie, perte de la vue ou de l’ouïe.
2/ Dissociation cognitive
Lors de la dissociation traumatique, le sujet peut présenter un arrêt de la pensée. En effet, il est en état de sidération et le fil du dialogue intérieur est rompu. Les sujets manifestent des difficultés d’élaboration à l’égard de ce qui paraît impensable, irréel. Les informations entrent dans la mémoire sans les explications qui devraient les accompagner.
3/ Dissociation des affects
Les affects présents lors de la rencontre avec la mort peuvent induire un détachement paradoxal. Cette réaction défensive permet d’isoler la souffrance émotionnelle et la signification associée à l’expérience traumatique, certains souvenirs liés à celle-ci étant conservés hors du champ de conscience. La dissociation d’affect entraîne des intrusions d’affect comme la peur, la colère, ou la honte.
4/ Dissociation temporelle et spatiale
La dissociation peut se manifester par une altération de l’espace ou du temps, c’est-à-dire une perte des repères. Les flash-backs réassocient le sujet au traumatisme comme s’il le revivait et l’isolent du moment présent, de ses ressources ; ils induisent également une distorsion de la perception du lieu.
La distorsion de l’appréciation temporelle vécue lors de l’événement traumatique est également un élément perturbateur dans la mémorisation, car, pour traiter un souvenir, il faut pouvoir l’intégrer dans son histoire personnelle, le situer dans le temps, définir un début et une fin.
5/ Dissociation mnésique
Le traumatisme provoque des troubles mnésiques de divers ordres : perturbation de l’encodage, amnésie partielle, voire totale, souvenirs décontextualisés de l’événement, remémoration impersonnelle de l’événement, ou même confusion. Les souvenirs traumatiques sont souvent oubliés ou non directement accessibles, car ils sont encodés dans une forme d’état « dépendant », à savoir un état de conscience modifiée.
6/ Dissociation de l’identité
Un sentiment de déréalisation (être dans un rêve ou en flottement) ou de dépersonnalisation (sentiment de ne plus être dans son corps, de se voir de l’extérieur comme spectateur de la scène) est souvent décrit par les patients traumatisés. Le survivant peut avoir le sentiment d’être différent ou changé, et que ses pensées ne sont plus les siennes.
7/ Dissociation de la volonté
Lors d’un événement traumatique, le sujet peut se retrouver paralysé, sidéré, incapable de bouger, crier ou fuir. Bien qu’il ouvre la bouche, aucun son ne peut sortir, il est comme figé, immobilisé, ses possibilités de réagir ne répondent plus à son contrôle. La réaction comportementale est inhibée, ou bien les comportements peuvent être automatiques, coordonnés, mais incongrus, comme dans les fuites à l’aveugle.
Le traumatisme entraîne des manifestations particulières comme des cauchemars, le souvenir de l’événement qui surgit dans les pensées ou le fait de se tenir en permanence sur ses gardes. Celles-ci diminuent le plus souvent au fil du temps, grâce aux ressources que nous trouvons en nous-mêmes et autour de nous pour faire face au traumatisme. Quand ces manifestations persistent après plusieurs semaines et perturbent de manière importante notre quotidien, il peut s’agir d’un trouble de stress post-traumatique.
Le trouble de stress post-traumatique
Trois types de symptômes sont présents en même temps :
- Des souvenirs vifs de l’évènement qui s’imposent au sujet, des reviviscences, des cauchemars. Le sujet revit la scène, avec les images, les bruits ou les odeurs. Il est submergé par les émotions comme la peur. Les sensations physiques sont fortes.
- L’évitement des pensées en lien avec l’évènement, l’évitement des activités, situations, personnes qui pourraient le rappeler.
- Le sentiment d’une menace permanente, qui peut se manifester par un état de qui-vive, une hypervigilance, une réaction de sursaut au moindre bruit inattendu.
Ce trouble peut être associé à des insomnies, une anxiété, une dépression, ou des pensées suicidaires.
Les signes auxquels prêter attention
Le fait d’être confronté à un évènement violent n’entraîne pas forcément un traumatisme. Et dans une majorité des cas, le traumatisme ne provoque pas un trouble de stress post-traumatique. Aussi, il est bon après un tel évènement de prêter attention aux signes suivants :
- les cauchemars et les flash-backs où l’on revit la scène
- les pensées qui s’imposent à nous, nous ramenant à cet évènement
- les palpitations, la respiration rapide si le sujet se trouve dans une situation similaire à l’événement
Il est utile de nous interroger sur la possibilité d’être concernés par un trouble de stress post-traumatique. La Haute autorité de santé (HAS) cite :
- des troubles anxieux, de l’humeur, du comportement
- des troubles des conduites alimentaires
- des troubles du sommeil
- des addictions
- des troubles psychosomatiques avec des symptômes physiques persistants comme la douleur, les maux de tête ou la fatigue
- des pensées suicidaires
Il n’est jamais trop tard pour parler des évènements traumatisants qu’un sujet a vécu et agir sur les symptômes de stress post-traumatique. Notre cerveau conserve des capacités de réorganisation à tout âge, et jusqu’à la fin de notre vie.
Comment traiter le trouble de stress post-traumatique
Les thérapies
- Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) reposent sur le constat que le sujet conserve des pensées et des convictions qui ne sont pas adaptées concernant l’évènement traumatisant et ses conséquences. Ces pensées et convictions entraînent un évitement de tout ce qui rappelle l’évènement et entretiennent un sentiment de menace permanente.
Le sujet est amené à porter son attention sur ses convictions et aussi ses émotions, pour ensuite les modifier avec l’aide du thérapeute et apprendre à y réagir différemment.
- L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), ou désensibilisation et retraitement par les mouvements des yeux, repose sur l’idée que les pensées, les sentiments et les comportements négatifs du sujet découlent de souvenirs de l’évènement traumatisant que le cerveau n’a pas pu assimiler correctement.
Le thérapeute invite le patient à se concentrer sur les images, les pensées, les émotions et les sensations corporelles qui lui viennent en lien avec le traumatisme. Pendant ce temps, il demande au patient de suivre du regard ses mouvements de doigts qu’il déplace de droite à gauche devant ses yeux, de façon répétitive.
L’objectif est que les souvenirs perturbants soient retraités par le cerveau durant la séance, de manière à perdre leur vivacité et pouvoir être mis à distance. Pour mieux comprendre les mécanismes de cette méthode thérapeutique, je vous invite à lire cet article "Comprendre l'EMDR : Mécanismes et Efficacité - Une exploration en profondeur".
De plus, nous pouvons écrire sur les évènements traumatisants, sur nos réactions, nos espoirs pour la suite. Mettre des mots sur ce que nous avons vécu aide à penser, et c’est particulièrement précieux quand un traumatisme nous en empêche. Il peut s’agir de tenir un journal intime, de glisser un carnet de notes dans son sac et de le remplir au coup par coup, ou d’écrire des lettres que l’on n’enverra pas.
Toutes les activités créatrices, comme le dessin, la peinture, la photographie, le théâtre, la danse, le chant, la musique, sont des moyens d’exprimer nos émotions et notre ressenti.
Que faire en cas d'urgence ?
Vous venez de vivre un évènement traumatisant et vous cherchez une aide immédiate. A toute heure du jour et de la nuit, vous pouvez téléphoner ou vous présenter dans le service des urgences de l’hôpital le plus proche, ou composer le 15 (depuis un fixe) ou 112 (depuis un portable).
Vous pouvez aussi, en journée :
- téléphoner à votre médecin traitant pour lui demander un rendez-vous en urgence
- composer le 116 006, le numéro national Aide aux victimes, pour des conseils et de l’information sur ce qu’il faut faire dans votre situation