Culte ou trouble de l’(h)altèr(e) ego ? illustration

Qu’est-ce que le sport ? Comment comprendre les pratiques physiques ? Bien que, de prime abord, ces deux questions paraissent relativement simples, il semblerait exister une multitude de réponses, toutes aussi singulières les unes que les autres. En fonction de nos propres représentations, le sport peut se conjuguer avec des notions de compétition, de loisir, de plaisir, de découverte, d’épanouissement. Il peut aussi, dans certains cas, être abordé comme un exutoire des tensions de la vie quotidienne. De la même façon, pour d’autres personnes, la pratique sportive va se définir comme un lieu et un temps de souffrance, de fragilisation, de dépassement de soi.

La pratique sportive façonne, modèle le corps, ainsi que l’image sociale ou intime de son pratiquant. Dans notre société, le corps sportif est souvent considéré comme révélateur d’esthétisme, de courage, de force et bien d’autres qualités dans l’apologie du corps-machine et du corps- guerrier.

La pratique physique nous est présentée comme un des piliers de la santé. Cependant, le facteur physique exclut, généralement ou, tout du moins, tend à effacer, les autres facteurs de la performance et, notamment, le facteur psychologique.

De ce fait, la pratique d’une activité physique régulière est recommandée pour se tenir en bonne santé mais comme toute pratique excessive, elle peut entraîner des répercussions négatives sur notre santé mentale et physique.

Qu’est-ce que la bigorexie ?

La bigorexie ou l’addiction au sport est un trouble du comportement qui se caractérise par une obsession excessive de l’activité physique. Lors de la pratique d’un sport, de l’endorphine est créée et c’est cette hormone procurant du bien-être et du plaisir qui est une des causes de l’addiction.

Deux visages particuliers de la bigorexie illustration

Cela expliquerait le sentiment de plaisir et de bien-être chez les personnes pratiquant un sport. Les causes de l’addiction au sport pourraient être d’ordre psychologique également : les personnes accros au sport soulageraient ainsi leur stress, leur anxiété ou une douleur liée à un évènement, présent ou passé. Enfin, la bigorexie pourrait être liée à un complexe d’Adonis. Le sport intensif est alors un moyen d’atteindre un corps « parfait » pour augmenter son estime de soi.

Qu’il s’agisse d’une dépendance physique ou d’une dépendance psychique, ce qui prime réside bien dans cette aliénation incontrôlée et incontrôlable du sujet face à l’objet investi. Ces conduites prennent une dimension somme toute pathologique, à partir du moment où elles se présentent comme répétitives et compulsives et que leur recours est quasi systématique dans la gestion des excitations par l’appareil psychique. L’addiction est un état d’esclavage, une conduite de fuite, où l’acte prend le pas sur l’élaboration mentale.

Deux visages particuliers de la bigorexie

Pour certains auteurs, l’essence même de la dépendance sportive se trouve dans l’émergence d’un « vide affectif » ou « un manque dans le corps ». Plus précisément, ils auraient tendance à mettre en évidence l’existence de tensions psychiques, d’angoisses profondes, dont la caractéristique principale serait de submerger l’appareil psychique du sujet. À travers la pratique sportive, ces athlètes tentent de mettre à distance, ou d’éviter, l’émergence de frustrations, voire d’états traumatiques : il s’agit là de procédés auto-calmants.

La pratique sportive sort de son rôle ludique pour se transformer en un outil permettant éventuellement le travail de ce manque. À partir de ce travail du corps par le corps, le sportif apprend progressivement à le maîtriser, à en appréhender les limites et à en masquer les blessures : il s’agit là de la gestion d’un manque affectif.

Quels sont les symptômes de la bigorexie ?

C’est le profil psychologique et le fonctionnement mental qui vont donner des indices sur une potentielle dépendance. De plus, ce n'est pas forcément le temps passé à faire du sport qui est révélateur d'une bigorexie, mais plutôt les répercussions sur la vie privée ou professionnelle :

  • Un comportement obsessionnel
  • Un isolement social
  • Un sacrifice de tout au profit du sport
  • Une perte d'intérêt pour tout ce qui ne touche pas au sport
  • L'argent dépensé dans la pratique sportive 
  • Une culpabilité et une irritabilité si la personne n'arrive pas à faire tous les entraînements physiques qu'elle s'impose
  • Troubles du sommeil qui par la suite peuvent entraîner une fatigue chronique
  • Troubles menstruels : les femmes pratiquant beaucoup de sport sont davantage sujettes aux douleurs et crampes menstruelles
  • Baisse ou perte de libido : le sport à excès fatigue mais aussi impacte la production de testostérone, d’où la perte de désir sexuel
  • Des prises de risque inconsidérées 
  • Sentiment de ne plus pouvoir arrêter le sport
  • Ritualisation de l’entraînement et répétition obsessionnelle des gestes
  • Obsession de l’image du corps et de la performance

Les personnes addictes à une pratique sportive peuvent l'être dans un objectif de performance mais elles peuvent également l'être pour un objectif d’image corporelle. Cela entraîne donc parfois même la consommation de produits dopants qui en trop grande quantité peut également devenir une addiction.

L’addiction au sport pousse les sportifs à repousser toujours plus leurs limites ce qui peut être à l’origine de blessures. Certaines personnes qui présentent une addiction au sport continuent leur pratique sportive malgré une blessure grave.

Les personnes qui pratiquent un sport de façon intensive ne développent pas nécessairement une addiction. Pour parler d’addiction au sport, il faut qu’un certain nombre de signes soient présents. Ces caractéristiques sont d'ailleurs communes à toutes les addictions comme l'alcoolisme, la toxicomanie, la nymphomanie ou la dépendance aux jeux vidéo.

Plusieurs hypothèses ont été faites pour expliquer le pourquoi d’une addiction au sport ou bigorexie. Le rôle des hormones produites pendant une activité sportive pourrait jouer un rôle dans cette addiction, les endorphines notamment. Ces hormones sont libérées par le cerveau pendant et après une activité physique intense et elles stimulent le circuit dopaminergique (circuit du plaisir), ce qui entraîne la répétition de façon compulsive de la pratique du sport.

Quels sont les dangers et les conséquences de la bigorexie ?

La bigorexie entraîne une dépendance et donc des problèmes psychologiques, listés ci-dessus, mais aussi des problèmes physiques, surtout si la pratique est très intense. 

De plus, Les symptômes de la bigorexie sont souvent similaires à ceux de la dépression et de l’anxiété. Les personnes qui souffrent de cette addiction peuvent avoir des problèmes de concentration et d’endurance, une faible estime de soi. Elles peuvent également se sentir coupables et honteuses de leur apparence physique et peuvent même recourir à des pratiques dangereuses pour obtenir les résultats qu’elles recherchent.

Les symptômes étant similaires à ceux de la dépression et de l’anxiété, il est donc assez compliqué de détecter la bigorexie dans les prémisses de l’addiction. Il est souvent “trop tard” lorsqu’elle est détectée. Les effets négatifs sont généralement déjà apparus.

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Comment soigner la bigorexie ?

Il est donc bien entendu possible de guérir la bigorexie. Le seul moyen de prendre soin d’un sportif atteint de cette addiction est avant tout la prise de conscience. Parfois, des incidents graves se produisent et alertent le sportif ou son entourage.

Dans tous les cas, il existe des centres de soins spécialisés pour ce type de problématique. Cela est notamment le cas des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) répartis dans toute la France.

Un médecin spécialisé dans le sport peut aussi être capable de traiter la bigorexie. Du moment que le sportif est conscient de son état et qu’il en parle, le traitement est une affaire d’accompagnement.

Lorsque le sport devient plus qu’une simple passion, il est important d’être assisté par un coach sportif qui saura mettre son expérience à votre service pour vous encadrer. À titre informatif, ce sont les sportifs de haut niveau qui sont les plus vulnérables. Du fait de leur mode de vie, ils sont en effet plus susceptibles d’être livrés à eux-mêmes. De même, ils doivent généralement assumer un emploi du temps surchargé et ont donc du mal à gérer leurs sentiments.

Par ailleurs, les amateurs de culturisme sont particulièrement touchés. Cela s’explique par le fait qu’ils doivent s’entraîner de manière intense pour atteindre un objectif d’apparence physique. Ils sont également soumis à une forte pression psychologique. Il est par conséquent essentiel pour les pratiquants de bodybuilding d’être accompagnés par un entraîneur personnel. Sachez que si vous ne laissez pas un temps de repos suffisant à votre corps après un entraînement cardio ou de musculation, vous ne progresserez pas et risquerez de vous blesser.

En guise de conclusion

La bigorexie est un trouble difficile à déceler. D’autant que le fait de présenter l’un ou plusieurs  des symptômes évoqués ci-dessus ne signifie pas forcément que vous êtes atteint de cette addiction ou que votre dépendance est sévère. Il est possible d’être tellement passionné par un sport que celui-ci prenne énormément de place dans votre quotidien sans pour autant vous priver de vie sociale et des plaisirs simples de la vie. 

Si toutefois vous vous identifiez dans cette chronique, renseignez-vous auprès d’un professionnel de santé (psychothérapeute, médecin du sport, addictologue). Comme toute addiction, sachez toutefois que la bigorexie se soigne très bien du moment où le principal intéressé parvient à admettre qu’il rencontre un problème avec le fait de pratiquer un sport trop intensément.

C’est le premier élan, le premier pas, qui pèse le plus, qui essentiel et déterminant pour votre santé mentale et physique !