La tocophobie désigne la peur panique, autrement dit la phobie, de l’accouchement et plus généralement de la grossesse. Pour certaines femmes, elle peut aussi s’accompagner d’une aversion ou d’un dégoût de la grossesse. La tocophobie est une affection psychologique assez fréquente. On estime qu’entre 2,5 et 30% des femmes enceintes sont concernées. La phobie de l’accouchement peut avoir différentes origines. Elle peut se manifester suite à un traumatisme de l’enfance, notamment en cas d’abus ou de sévices sexuels, ou suite à une mauvaise expérience d’accouchement, soit personnelle, soit dans l’entourage. Une prise en charge psychologique s’impose afin de limiter le risque de complications : accouchement difficile, avortement ou césarienne de convenance.
Qu’est-ce qu’une phobie ?
D’ordinaire, la peur est une émotion utile qui permet de nous protéger en nous poussant à agir ou à fuir face à un danger. Chaque individu a des peurs comme par exemple préférer l’escalier à l’ascenseur, être anxieux avant de prendre l’avion, etc. Dans la majorité des cas, chacun vit avec ses peurs et s’en accommode. En revanche, lorsque la peur qui paralyse un individu en l’absence de réel danger prend des proportions démesurées ou impacte de manière importante sa vie, monopolise les pensées, influence les choix, etc., alors elle devient pathologique. On parle de phobie.
Une phobie est un trouble anxieux. Ainsi, la personne souffrant de phobie a totalement conscience que sa peur est irrationnelle et excessive, sans cependant, pouvoir résister au besoin d’évitement de l’objet de sa phobie. Une phobie est considérée comme grave et nécessitant une prise en charge lorsque cette dernière oblige l’individu en souffrance à restreindre ses activités et impacte sa qualité de vie de façon importante.
Qu’est-ce que la tocophobie ?
La phobie d’accoucher est admise depuis 1997. Elle a été reconnue par la classification internationale des maladies de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le terme « tocophobie » est apparu un peu plus tard, il a été inventé par un psychiatre britannique qui compte plusieurs publications sur le sujet. Tocophobie vient du mot grec « tokos » qui signifie naissance et « phobos » qui veut dire peur.
La tocophobie se traduit par une peur irrationnelle de l’accouchement, et plus généralement de la grossesse. Cette peur peut conduire certaines femmes à demander une césarienne de convenance, ou parfois avoir recours à l’avortement. C’est ces techniques d’évitement qui caractérisent l’affection et qui permettent de la différencier clairement d’une simple peur de l’accouchement.
Les formes de la tocophobie :
- La tocophobie primaire, souvent pour le premier accouchement chez les femmes n’ayant jamais accouchés et en lien avec un traumatisme psychique
- La tocophobie secondaire qui survient après un premier accouchement difficile
- La tocophobie liée à une dépression prénatale
A noter qu’il n’y a pas seulement les femmes qui peuvent être concernées par la tocophobie. Certaines études rapportent le cas de plusieurs hommes touchés par la tocophobie. Jusqu’à 11% des futurs pères seraient concernés.
L’accouchement, un événement traumatique ?
S’il est souvent décrit comme un événement magnifique, l’accouchement peut en effet être une expérience traumatique. D’ailleurs, 30 à 45 % des mères le qualifient comme tel. Certaines étant alors susceptibles de développer un trouble de stress post-traumatique lié à l’accouchement (TSPT-A).
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) survient à la suite de l’expérience, directe ou indirecte, d’événements traumatiques, définis comme « l’exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles ». Parce qu’il met parfois en jeu la vie de l’enfant ou celle de sa mère, l’accouchement peut donc être un événement traumatique. Cependant, il est important de souligner que la gravité de la situation obstétricale ou néonatale ne suffit pas, à elle seule, pour préjuger de son caractère traumatogène.
Symptomatologie
Les symptômes de la tocophobie sont liés à l’état anxieux de la patiente vis-à-vis de sa grossesse :
- Peur anticipatoire de certains maux comme un manque de sommeil, des troubles alimentaires
- Des maux de ventre, des vomissements
- La peur des institutions de santé et des professionnels de santé
- Peur de dépression ou des complications médicales en lien avec la grossesse
- Une forte angoisse à propos de l’accouchement : peur de la douleur, des complications voire du décès
Quelques fois, lorsque la peur d’enfanter est trop intense, certaines femmes peuvent recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG) ou provoquer volontairement une fausse couche (par la pratique de certaines activités trop intenses, par exemple), demander une césarienne voire procéder à une stérilisation.
Il est impératif pour toute femme souffrant de tocophobie d’être prise en charge aussitôt le diagnostic évoqué afin de ne pas aggraver la phobie. Sans prise en charge, cette phobie peut aboutir à un allongement du temps de travail nécessitant un recours aux forceps ou ventouses obstétricales. Par ailleurs, le souvenir d’un accouchement difficile peut impacter négativement la relation mère-enfant, ou mettre un terme à l’envie d’une seconde grossesse.
A noter que la tocophobie peut aussi se manifester chez une femme qui n’est pas enceinte. Celle-ci fera alors tout pour ne pas tomber enceinte, même si elle désire un enfant.
D’un point de vue diagnostic
Sa principale spécificité est que l’événement traumatique ayant causé son apparition soit l’accouchement. Il se caractérise par une combinaison de quatre ensembles de symptômes, qui doivent provoquer une souffrance cliniquement significative ou perturber le fonctionnement (social, professionnel, ou autre). Apparus à la suite de l’accouchement, ils doivent persister au moins un mois après ce dernier. Il s’agit :
- De symptômes envahissants liés à l’accouchement
- De l’évitement persistant des stimuli de tout ce qui est lié à l’accouchement
- D’altérations négatives des cognitions
- D’altération de l’humeur
Symptômes envahissants liés à l’accouchement
Cela comprend notamment les intrusions traumatiques, ces « souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants » de l’accouchement, qui sont source de détresse. Ainsi, une mère pourrait décrire qu’elle a régulièrement des flashbacks du moment où elle voit toute l’équipe rentrer d’un seul coup dans la chambre, avant sa césarienne en urgence. Ces souvenirs peuvent revenir sans raison apparente, mais aussi être déclenchés par un stimulus externe, une émission sur l’accouchement, la vue d’une femme enceinte ou interne , contractions utérines pendant les menstruations, maux de ventre.
Les intrusions traumatiques peuvent surgir sous toutes les modalités sensorielles, que ce soit la sensation d’avoir ses organes touchés pendant la césarienne, l’odeur du savon de la maternité, ou encore les mots prononcés par une personne de l’équipe soignante. Parfois, ces intrusions sont si vives qu’elles sont associées à des réactions dissociatives, la personne ayant l’impression que l’accouchement est de nouveau imminent. Ces symptômes envahissants peuvent également prendre la forme de cauchemars, mais aussi d’une détresse psychologique ou d’une réaction physiologique marquée lorsque quelque chose rappelle l’accouchement : sensation de ventre noué ou de vertige, augmentation de la fréquence cardiaque ou respiratoire, tension musculaire, etc.
Prise en charge thérapeutique & accompagnement
En cas de tocophobie, plusieurs approches thérapeutiques existent :
- Le recours à un psychologue pour parler d’une mauvaise expérience lors d’un accouchement antérieur est conseillé pour les femmes souffrant de tocophobie secondaire.
- Il est également possible de visiter le service d’obstétrique et rencontrer les sages-femmes et les médecins afin d’être rassurée sur le déroulement de l’accouchement.
- Il est également proposé à toute femme enceinte de participer à des cours de préparation à l’accouchement prodigués par une sage-femme. Les séances permettent de préparer la future maman, aussi bien physiquement que psychologiquement, à l’accouchement. C’est également l’occasion de s’informer sur le déroulement de la grossesse afin de mieux gérer les angoisses liées à l’idée d’accoucher.
- Il existe également des groupes de parole sur le sujet, afin de prendre conscience que la tocophobie existe chez d’autres patientes.